Feux californiens : le climat innocenté

by Benoît Rittaud, 19 juin 2020


Dans un silence remarquable, on vient d’apprendre que les incendies qui ont ravagé la Californie en 2018 ont été causés par des défauts de maintenance dans le réseau électrique et ne devaient rien au réchauffement climatique, rapporte Benoît Rittaud, mathématicien et président de l’Association des climato-réalistes. Tribune.

Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose, dit-on. Dans notre monde où l’écologisme est un réflexe pavlovien, ce slogan s’est fait encore plus simple : dès que se produit un drame, toute explication fondée sur le « dérèglement climatique » est présumée correcte. Cette vérité immédiate a alors de bonnes chances de devenir vérité tout court, car qui ira perdre son temps à rétablir les faits après coup, tandis qu’entre-temps tant d’autres drames auront à leur tour « démontré une fois de plus la réalité de la crise ».

 

Souvenez-vous : il y a deux ans, la Californie était ravagée par d’intenses feux de forêt qui firent quatre-vingt-cinq victimes. Le coupable aussitôt désigné fut le « climat », bien sûr, et donc les humains responsables de son réchauffement. Le raisonnement aussi simpliste qu’imparable nous était asséné entre autres par Le Point : « Avec les températures plus chaudes, la végétation est aussi plus sèche. Il suffit alors d’une simple étincelle pour déclencher un incendie. » Le Huffington Post ne rata pas l’occasion de cogner sur le locataire de la Maison Blanche, avec un titre dans le plus pur style agit-prop : « Malgré les incendies en Californie, Trump n’a pas changé d’avis sur le réchauffement climatique. »

Dans le cadre de la COP24, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentationproposa une table ronde sur les feux de forêts dont la présentation s’appuyait explicitement sur le drame californien. Enfin, le tableau n’eût pas été complet sans l’inévitable éditorial du Monde pointant les États-Unis de Donald Trump d’un doigt accusateur et évoquant, dans sa grandiloquence coutumière, l’« effarement devant l’ampleur des dégâts de l’aléa climatique », le « réchauffement » étant  « principal coupable d’une tendance lourde », « l’exceptionnel devient la norme ».

Deux ans plus tard, c’est dans une certaine discrétion qu’on apprend indirectement le fin mot de l’histoire, révélé par CNN : la société PG&E vient de reconnaître sa responsabilité dans le drame en plaidant coupable devant une cour de justice. Il est aujourd’hui avéré que les nombreux défauts de maintenance des lignes électriques de cette société de production et de distribution d’électricité sont la cause directe de l’incendie meurtrier de 2018. Un rapport accablant publié l’an passé avait déjà pointé de multiples manquements aux règles de sécurité.

Qu’on ne dise pas que PG&E ne plaide coupable que dans le but de solder une affaire encombrante pour son image. Fort rares sont les sociétés de par le monde qui choisiraient de leur plein gré de débourser 13,5 milliards de dollars (ce qui, pour fixer les idées, est de l’ordre du chiffre d’affaires annuel de la société en question) pour abonder un fonds d’indemnisation des victimes d’un désastre dont elles s’estimeraient innocentes. Peut-être les médias dominants nous offriront-ils deux lignes sur ce que fut la cause réelle du Camp Fire. Dans ce cas, parions que l’une de ces deux lignes sera là pour affirmer que « le dérèglement climatique en fut peut-être quand même une cause aggravante ».