Débattre du climat : quel contenu ?

by M. de Rougemont, 25 février 2020 in EuropeanScientist


Dès lors que la moindre critique est faite à propos de la doxa climatique son auteur se verra systématiquement désigné comme négationniste. Si, par-dessus le marché, ladite critique est pleine de bon sens, alors des caciques de ce système s’empressent de publier une tribune publique afin de mettre l’intru au pilori, évitant bien d’entrer en matière et de traiter des questions posées. Il s’agit de bien rappeler qui a droit à la parole et de rappeler aux non-sachants que le débat est clos car la cause est entendue. Un bizarre syndicat international de presse dictant la bien-pensance climatique a d’ailleurs décidé que laisser s’exprimer des voix critiques serait leur faire une part trop belle. La célérité et le ton de ces répliques témoignent pourtant d’une grande inquiétude car faire taire l’intrus n’a jamais été une manifestation de force et de tranquillité. Cela laisse même à penser que s’il y avait complot, ce serait plutôt celui destiné à éviter à tout prix la nécessaire dispute autour d’un sujet si important.

Nonobstant la clôture bien prématurée de ce débat jamais initié, il faut en décrire les chapitres qui devraient le composer.  Ce drame climatique se déroule sur trois scènes : scientifique, stratégique et politique.

SCIENCE ET PSEUDO-SCIENCE

Les données issues de moins de deux siècles d’observations directes, dont moins de cinquante ans par satellite, et de la paléoclimatologie nous enseignent les variations passées et certaines corrélations ou manques de corrélation. Ces données ne font pas l’objet de réfutations majeures et fondées. Un réchauffement est donc bien constaté depuis la fin du petit âge glaciaire coïncidant avec le début de l’ère industrielle ; il est de l’ordre de 0.8 à 1 °C avec des fluctuations dont certaines restent encore inexpliquées.

Plusieurs des phénomènes pouvant conduire à tel réchauffement sont connus, dont celui du forçage radiatif par des gaz dits à effet de serre dilués dans l’air, dont le fameux CO2 dont la concentration a augmenté de 46% (de 280 à 410 ppm par volume) par le biais d’émissions causées par l’activité humaine. Cela non plus ne fait pas l’objet de réfutations bien fondées.

Par contre, ce qui fait l’objet d’une immense controverse qui n’est jamais acceptée c’est la quantification de ces phénomènes, en particulier la sensibilité avec laquelle le climat global répondrait à une augmentation de la concentration en CO2. C’est là un point essentiel car toutes les politiques visant à limiter le réchauffement en découlent. Le CO2 est-il vraiment LE bouton de déréglage et donc de re‑réglage du climat ?

Ce qui n’est pas scientifique mais est présenté comme si cela l’était est l’emploi abusif de modèles, superbement complexes bien que nécessairement simplifiés et incomplets. D’une part les scientifiques s’en sont amourachés au point de vouloir leur faire découvrir la science, par exemple cette sensibilité au CO2 qui n’est pas mesurable de manière instrumentale, alors qu’ils ne livrent que le fruit des algorithmes qui leur ont été implantés. On peut appeler cela de la science tautologique : elle est ce qu’elle doit être. D’autre part, alors même que leur validité est loin d’être établie, ils sont utilisés pour procéder à des extrapolations hasardeuses, bien au-delà des variations connues du CO2 et selon les scénarios les plus improbables dont ne sont retenus que les plus exagérés, y compris une très forte sensibilité aux flatulences carboniques.

De cela sortent des projections, dont celle affirmant qu’au-delà de 2 °C, et maintenant 1,5 °C pour faire plus sinistre et urgent, la vie humaine sur Terre deviendrait intolérable. Pour ne pas dépasser telle limite on ne disposerait plus que d’un « budget carbone » qui serait épuisé d’ici 2050. Et si c’étaient 3-4 °C ou si le délai était d’un siècle ou plus ? Ces chiffres-là, peu ou non scientifiques répétons-le, doivent faire l’objet d’une sérieuse dispute car ils définissent la marge de manœuvre dans les deux scènes suivantes. L’appel au principe de précaution ou à un pari pascalien ne sont pas justifiables face à de telles approximations.

La frontière entre science et pseudo-science est grise et vague. Mais s’il était vraiment vrai que « climate science is settled », alors les milliards dépensés dans la recherche n’auraient plus d’utilité et pourraient être économisés, subito !

STRATÉGIES DE LIMITATION ET/OU D’ADAPTATION

Faut-il en priorité limiter le réchauffement ou s’en accommoder et s’y adapter ? La réponse est, dans la mesure du possible, de faire les deux. Pourtant une forte préférence est donnée à la mitigation, avant tout par des mesures de décarbonation. Cela a l’avantage d’être simpliste et compréhensible mais doit se discuter âprement car il n’est même pas dit que cela soit souhaitable alors que l’impact socio-économique paraît peu signifiant – des modestes pertes de revenu de 2% ± 2 pour +3 °C en 2100 selon W. Nordhaus, prix Nobel d’économie en 2018 – et que des avantages, par exemple agronomiques, pourraient l’emporter sur les sacrifices exigés et les coûts impliqués. Avec leurs vastes marges d’incertitude les simulations par modèles permettent d’argumenter dans le sens que chacun préfère.

Par ailleurs il faut évaluer la faisabilité de ces mesures, c’est-à-dire la disponibilité des technologies et d’autres ressources à l’échelle nécessaire. Un volontarisme benêt veut faire croire qu’il suffit de vouloir. On est loin du compte car, même merveilleuses sur le papier, les solutions mises en avant sont loin d’être au point. Il est par exemple proposé de séquestrer définitivement des masses de CO2 dans les tréfonds de la Terre, mais rien ne prouve que ce soit possible à l’échelle nécessaire. C’est un énorme défi que de nous sevrer du 85% de notre approvisionnement énergétique actuellement assuré par des carburants d’origine fossile – charbon, pétrole et gaz. Il y faudra un temps indéterminé mais très long car la fameuse innovation ne se commande pas par décret et ne se met pas en place en un claquement de doigts, n’en déplaise à l’impatience juvénile. L’ironie est aussi que ces méchants fossiles sont indispensables pour rendre possible la découverte, le développement et la construction de ces solutions alternatives.

Se pose aussi la question de l’efficacité, c’est-à-dire l’aptitude de ces mesures à ne pas dépasser une limite de température globale. Au vu des incertitudes laissées par une interprétation scientifique(sic) dévoyée vers les exagérations, il est fort probable que ces montagnes accoucheront de souris à un prix d’ores et déjà insoutenable.

POLITIQUE POLITICIENNE

La politique s’est emparée de ce drame qui va tourner en tragédie et qui semble maintenant incontournable. Un business du climat est né avec son département de R&D, son marketing, ses finances, une absence de service après-vente, ses consultants et délivreurs de certificats, et surtout un excellent lobby, jeunes et sénile prix Nobel compris. Les États sont tout contents d’y trouver des nouvelles sources de perception et des occasions de redistributions bien ciblées. Réélection oblige. Mis à part de sages vieux croûtons il faut donc noter que tout le monde a intérêt que ce business florisse, quel que soit son impact sur le climat. Un de ses segments politiques est aussi instrumentalisé par l’écologisme profond, dont le but est d’éliminer tout impact de l’action humaine sur la nature, ce qui rend inacceptable d’envisager des mesures d’adaptation. Décréter l’état d’urgence permettra aussi de déguiller une civilisation occidentale et capitaliste qui soi‑disant le mériterait, de promouvoir une gouvernance mondiale, d’instaurer des lois d’exception et d’assurer que la pensée soit propre-en-ordre ; gare aux dissidents dont la mise à l’asile assurera le silence.

En attendant, les vraies et criantes priorités de développement, de réduction de la pauvreté et d’amélioration de la santé devront se satisfaire des piquaillons qui leur seront laissés. La prétendue justice climatique s’administre à ce prix-là.