Tous les articles par Alain Préat

Full-time professor at the Free University of Brussels, Belgium apreat@gmail.com apreat@ulb.ac.be • Department of Earth Sciences and Environment Res. Grp. - Biogeochemistry & Modeling of the Earth System Sedimentology & Basin Analysis • Alumnus, Collège des Alumni, Académie Royale de Sciences, des Lettres et des Beaux Arts de Belgique (mars 2013). http://www.academieroyale.be/cgi?usr=2a8crwkksq&lg=fr&pag=858&rec=0&frm=0&par=aybabtu&id=4471&flux=8365323 • Prof. Invited, Université de Mons-Hainaut (2010-present-day) • Prof. Coordinator and invited to the Royal Academy of Sciences of Belgium (Belgian College) (2009- present day) • Prof. partim to the DEA (third cycle) led by the University of Lille (9 universities from 1999 to 2004) - Prof. partim at the University of Paris-Sud/Orsay, European-Socrates Agreement (1995-1998) • Prof. partim at the University of Louvain, Convention ULB-UCL (1993-2000) • Since 2015 : Member of Comité éditorial de la Revue Géologie de la France http://geolfrance.brgm.fr • Since 2014 : Regular author of texts for ‘la Revue Science et Pseudosciences’ http://www.pseudo-sciences.org/ • Many field works (several weeks to 2 months) (Meso- and Paleozoic carbonates, Paleo- to Neoproterozoic carbonates) in Europe, USA (Nevada), Papouasia (Holocene), North Africa (Algeria, Morrocco, Tunisia), West Africa (Gabon, DRC, Congo-Brazzaville, South Africa, Angola), Iraq... Recently : field works (3 to 5 weeks) Congo- Brazzaville 2012, 2015, 2016 (carbonate Neoproterozoic). Degree in geological sciences at the Free University of Brussels (ULB) in 1974, I went to Algeria for two years teaching mining geology at the University of Constantine. Back in Belgium I worked for two years as an expert for the EEC (European Commission), first on the prospecting of Pb and Zn in carbonate environments, then the uranium exploration in Belgium. Then Assistant at ULB, Department of Geology I got the degree of Doctor of Sciences (Geology) in 1985. My thesis, devoted to the study of the Devonian carbonate sedimentology of northern France and southern Belgium, comprised a significant portion of field work whose interpretation and synthesis conducted to the establishment of model of carbonate platforms and ramps with reefal constructions. I then worked for Petrofina SA and shared a little more than two years in Angola as Director of the Research Laboratory of this oil company. The lab included 22 people (micropaleontology, sedimentology, petrophysics). My main activity was to interpret facies reservoirs from drillings in the Cretaceous, sometimes in the Tertiary. I carried out many studies for oil companies operating in this country. I returned to the ULB in 1988 as First Assistant and was appointed Professor in 1990. I carried out various missions for mining companies in Belgium and oil companies abroad and continued research, particularly through projects of the Scientific Research National Funds (FNRS). My research still concerns sedimentology, geochemistry and diagenesis of carbonate rocks which leads me to travel many countries in Europe or outside Europe, North Africa, Papua New Guinea and the USA, to conduct field missions. Since the late 90's, I expanded my field of research in addressing the problem of mass extinctions of organisms from the Upper Devonian series across Euramerica (from North America to Poland) and I also specialized in microbiological and geochemical analyses of ancient carbonate series developing a sustained collaboration with biologists of my university. We are at the origin of a paleoecological model based on the presence of iron-bacterial microfossils, which led me to travel many countries in Europe and North Africa. This model accounts for the red pigmentation of many marble and ornamental stones used in the world. This research also has implications on the emergence of Life from the earliest stages of formation of Earth, as well as in the field of exobiology or extraterrestrial life ... More recently I invested in the study from the Precambrian series of Gabon and Congo. These works with colleagues from BRGM (Orléans) are as much about the academic side (consequences of the appearance of oxygen in the Paleoproterozoic and study of Neoproterozoic glaciations) that the potential applications in reservoir rocks and source rocks of oil (in collaboration with oil companies). Finally I recently established a close collaboration with the Royal Institute of Natural Sciences of Belgium to study the susceptibility magnetic signal from various European Paleozoic series. All these works allowed me to gain a thorough understanding of carbonate rocks (petrology, micropaleontology, geobiology, geochemistry, sequence stratigraphy, diagenesis) as well in Precambrian (2.2 Ga and 0.6 Ga), Paleozoic (from Silurian to Carboniferous) and Mesozoic (Jurassic and Cretaceous) rocks. Recently (2010) I have established a collaboration with Iraqi Kurdistan as part of a government program to boost scientific research in this country. My research led me to publish about 180 papers in international and national journals and presented more than 170 conference papers. I am a holder of eight courses at the ULB (5 mandatory and 3 optional), excursions and field stages, I taught at the third cycle in several French universities and led or co-managed a score of 20 Doctoral (PhD) and Post-doctoral theses and has been the promotor of more than 50 Masters theses.

Gaz de schiste et gaz de roche mère

par Alain Préat


Le premier puits de gaz naturel est creusé à la pelle, en 1821, à Fredonia (État de New-York, aux États-Unis), à 9 mètres de profondeur, dans des roches carbonifères naturellement fracturées et il est rentable (le gaz remplaçant l’huile de baleine valait 2 000 $/baril en termes actuels). De 1850 à 1900, d’autres puits sont forés en Europe (Angleterre surtout) et États-Unis (Louisiane, Michigan), et exploitent également l’huile de schiste ou shale oil [1]. Ce premier essor de mise en valeur de gisements d’hydrocarbures non conventionnels est stoppé net par la découverte des grands gisements de pétrole conventionnels du Moyen-Orient dans les années 1950-1960. Face à l’épuisement relatif des hydrocarbures conventionnels, grâce surtout aux progrès technologiques (forages horizontaux) et aux nouvelles connaissances géologiques dans les techniques d’exploration-production, nous redécouvrons les hydrocarbures non conventionnels qui semblent promis à une seconde jeunesse. Ils « dorment » à plus de 1000 m de profondeur et ils ne sont pas rentables au-delà de 4 000 m de profondeur.

Gisements supergéants disparus : comment se forme le pétrole du Précambrien

par Alain Préat

Des formations et migrations d’hydrocarbures ont été mises en évidence il y a 3,25 Ga (milliards d’années) dans l’Archéen en Australie et il y a 2,45 Ga au Canada. Mais l’un des plus beaux cas est celui d’un gisement supergéant de 5 milliards de barils (qui auraient été récupérables) à partir d’une formation du Paléoprotérozoïque (± 2,1-2,0 Ga) affleurant sur 9 000 km2 près du lac de Onega dans le NO de la Russie, au sud de la Mer de Barents. Le pétrole et presque tous les gaz sont liés à l’évolution de la matière organique au cours de l’enfouissement des séries géologiques à des profondeurs de quelques kilomètres (< 6 km). Au-delà, tous les hydrocarbures sont perdus, transformés en graphite (carbone pur) sous l’effet de températures et de pressions trop élevées. Le processus qui conduit à la formation d’un gisement d’hydrocarbures est long et comporte plusieurs étapes. Si l’une d’entre elles manque, le gisement n’a aucune chance de se former. Ce processus, qui s’étend sur des dizaines de millions d’années (Ma), débute par le piégeage et la maturation de la matière organique, surtout planctonique et algaire (c’est-à-dire roches sources ou roches mères), se poursuit par l’expulsion des hydrocarbures vers des roches poreuses et perméables (= roches réservoirs) situées à proximité ou à des centaines de kilomètres. L’étanchéité du réservoir est assurée par le dépôt de couches imperméables (argiles, sels… = roches couvertures). Le processus qui expulse et permet la migration des hydrocarbures est lié, pour l’essentiel, aux structurations ou déformations tectoniques. Et si l’étanchéité n’est pas assurée, les hydrocarbures s’échappent à la surface terrestre, au fond des océans ou dans l’atmosphère (= dysmigration) (suite lien web).

Les réacteurs nucléaires existaient déjà il y a 2 milliards d’années au Gabon

par Alain Préat

Nos premiers réacteurs nucléaires datent des années 1950… et suivent de près de 2 milliards d’années les 17 « réacteurs » naturels qui ont fonctionné de manière stable pendant 100 000 à 500 000 ans sur une période d’environ un million d’années. Ils produisirent de l’énergie avec des rendements modestes (100 kilowatts en moyenne par réacteur, bien inférieurs aux réacteurs actuels produisant 1 à 1,5 gigawatt, soit au moins 1 000 fois plus). Ces réacteurs se sont formés entre 12 et 250 m de profondeur dans les couches gréseuses du Paléoprotérozoïque[1] du bassin sédimentaire de Franceville au sud du Gabon à Oklo (16 réacteurs) et à 30 km au SE d’Oklo à Bangombé (un seul réacteur) suite à une série de processus géologiques aléatoires qui ont mené à un enrichissement de l’uranium. La taille de ces réacteurs est variable, le plus grand, situé à 18 m de profondeur, formant une lentille épaisse de 20 à 50 cm sur 12 m de longueur. Leur « cœur » consistait en une couche de 5 à 20 cm d’épaisseur d’uraninite (40 à 60% d’UO2) emballée dans des argiles d’altération formées à 400° C suite à la fission nucléaire. Les produits radioactifs (plutonium, thorium, plomb…) sont pour la plupart restés à proximité des réacteurs depuis 2 milliards d’années, sans causer de dommages particuliers (l’encaissant n’a été affecté que sur quelques centimètres à quelques mètres), ce qui montrerait que le stockage géologique des déchets radioactifs est possible sur de longues périodes de temps. Les conditions de fonctionnement de ces réacteurs naturels étaient semblables aux actuels basés sur la production des neutrons rapides. Ces derniers sont ralentis par un modérateur (eau ou graphite) et un agent refroidissant (eau) permettant l’entretien de la réaction de fission de l’235U, un des trois isotopes[2] uranifères présents sur la Terre (0,720 % de l’uranium naturel) avec l’238U (99,275 %) et l’234U (0,005%). L’235U étant peu abondant par rapport à l’isotope 238U doit donc être artificiellement enrichi (3 à 4 %) afin d’être utilisé comme combustible dans les centrales nucléaires actuelles. La réaction peut être spontanément initiée par l’238U. La réaction de fission en chaîne nécessite également des absorbeurs de neutrons (cadmium, iridium, carbure de bore) sous forme de barres mises en contact avec le combustible (il s’agit de barres de contrôle permettant de museler la réaction en chaîne). Il y a 2 milliards d’années le taux d’235U présent dans l’uranium naturel avec l’238U était beaucoup plus important qu’aujourd’hui car la vitesse de désintégration de l’235U est six fois plus rapide que celle de l’238U, l’uranium naturel pouvait ainsi être à la base d’une réaction en chaîne spontanée. Finalement il faut quatre conditions pour qu’un réacteur naturel puisse exister (suite lien web).

Pourquoi donc les “marbres rouges” sont-ils rouges?

par Alain Préat


Depuis des siècles, les calcaires rouges d’Europe (traditionnellement appelés « marbres rouges ») ont fasciné les architectes et les sculpteurs qui les ont utilisés tant dans les monuments civils et religieux, que pour les œuvres d’art. Les marbres rouges sont relativement rares dans la nature et ont été recherchés et exploités depuis le Moyen Âge en Belgique, Espagne, France, Italie, Tchéquie, etc. Leurs âges sont divers, depuis le Cambrien jusqu’au Néogène [1]. Les marbres rouges dévoniens de France et de Belgique eurent une vogue extraordinaire aux XVe et XIXe siècles : plus de 400 carrières furent ouvertes de la Montagne Noire jusqu’aux bordures des Ardennes franco-belges qui produisirent différentes variétés, depuis les « Rouges Byzantins » jusqu’aux « Rouges Impériaux ». Ainsi furent édifiés le Palais de Louis XIV, le Trianon , le Château de Versailles ; on les retrouve même à l’Assemblée Nationale au Palais Bourbon à Paris.

Il semble ainsi approprié d’introduire cette discussion par une citation poétique, puisque cette teinte a inspiré tant de jolies choses [2] :

« Quand sur toi leur scie a grincé
les tailleurs de pierre ont blessé
quelque Vénus dormant encore,
et la pourpre qui te colore
te vient du sang qu’elle a versé »

Alfred de Musset, Poésies Nouvelles, 1850

(suite lien web)

Le Déluge face aux moraines glaciaires, premier débat sur le changement climatique

par Alain Préat

Le premier doute sur l’interprétation diluvienne fut apporté en 1806 par un botaniste russe, Mickhail Adams, lorsqu’il exhuma un mammouth quasi intact, avec squelette complet, cartilages en place, peau bien préservée et longs poils laineux entiers. Cuvier en conclut immédiatement que ce mammouth était adapté aux régions froides de l’Arctique, y avait vécu et péri et ne pouvait provenir des tropiques. Le débat sur le changement climatique était lancé et allait diviser la communauté des géologues d’Europe et d’Amérique du Nord jusqu’à la synthèse d’Agassiz en 1840. La découverte d’animaux ressemblant aux éléphants dans les dépôts superficiels d’Europe et les plaines gelées du nord de la Sibérie était un problème pour les savants du 18ème siècle, puisque ces animaux n’étaient connus que dans les tropiques, et à l’époque il n’était pas question de changement du climat. Une seule explication était possible et fut proposée en 1728 par le zoologiste allemand Johann Breyne : les animaux ont péri lors du Déluge de Noé, les os et les dents ayant été transportés vers le Nord par les flots, les vents et abandonnés sur place à la fin du Déluge. Ce dernier était universel et les Ecritures bibliques représentaient la clé de l’interprétation de l’histoire naturelle. En 1796 Cuvier, un brillant anatomiste des vertébrés, fut le premier a montrer qu’il s’agissait de mammouths, donc une espèce distincte des éléphants actuels, et le mammouth devint à cette occasion la première espèce reconnue comme éteinte, bien avant les dinosaures en 1820 (suite lien web).

Le gaz abiotique naturel

par Alain Préat


Probablement pas une nouvelle source rentable d’hydrocarbures…

Tous les hydrocarbures naturels, c’est- à-dire le pétrole y compris le gaz méthane (CH4) parmi d’autres gaz, sont essentiellement liés à l’évolution de la matière organique au cours de son enfouissement dans les séries géologiques. Une partie du méthane sur Terre peut également être produite par des microorganismes adaptés à la vie dans les milieux extrêmes, souvent en l’absence d’oxygène [1]. Mais il est moins connu que le méthane peut aussi être produit par l’altération et/ou le métamorphisme de roches magmatiques basiques et ultraba- siques donnant des serpentinites à partir des péridotites du manteau supérieur [2]. Ces roches présentes à la fois dans les zones océaniques (les dorsales médio-océaniques) et sur les continents dans les zones dites cratoniques (anciennes croûtes continentales très épaisses) sont à l’origine de la production de méthane non biogénique. Les serpentinites résultent de réactions d’hydratation à basse température (< 100°C) des roches ultrabasiques et, outre la production de méthane surtout en présence de dioxyde de carbone, elles sont aussi à l’origine de la production de faibles quantités d’hydrogène (seul mode de production abiotique sur la Terre), d’azote et d’hélium. Cet hydrocarbure abiotique (le méthane) mantellique pourrait être lié à l’origine de la vie sur Terre et le processus expliquerait aussi la présence de différents hydrocarbures sur d’autres planètes et dans de rares météorites. Sur notre planète, on le trouve lié aux systèmes hydrothermaux, aux édifices volcaniques, aux intrusions ignées (roches magmatiques mises en place dans des formations déjà constituées), dans les boucliers cristallins (roches magmatiques et métamorphiques du Précambrien), au Japon, en Nouvelle-Zélande, en Grèce, en Italie, en Russie, aux USA, en Chine, à Oman etc.

Une des plus belles occurrences est celle du site Chimaera dans le Golfe d’Antalya en Turquie, le plus grand champ onshore [3] de méthane abiotique actuel. En effet, ce champ est lié à une zone faillée avec serpentinisation de péridotites et d’ophiolites suite à l’obduction [4] des Alpes. Le gaz de Chimaera (87% de méthane, 10% d’hydrogène et quelques pourcents d’autres hydrocarbures) brûle en formant une vingtaine de flammes de 50 cm de hauteur. Ce méthane s’échappe également sans brûler à partir de failles ou de fissures qui libèrent annuellement environ 200 tonnes de ce gaz dans l’atmosphère. Les arbres et les sols de la région sont totalement brûlés sur 2000 m2. Les analyses isotopiques du carbone et de l’hydrogène confirment qu’il s’agit bien de gaz abiotique. Des datations au carbone 14 montrent que cette source gazeuse a plus de 50 000 ans d’âge. Elles furent observées par Pline l’Ancien il y a près de 2000 ans qui les considérait comme des « flammes éternelles ». Le méthane émis jusqu’à aujourd’hui est de l’ordre de 400 millions de mètres cubes et représente une faible portion d’un réservoir sous pression. Homère (fin du VIIIe siècle avant J-C) avait déjà noté dans l’Iliade la présence de Chimères ou monstres crachant du feu et dévorant les humains à Chimaera près du site archéologique de Cirali.

Qu’en est-il de l’aspect commercial de ce gaz ? On estime aujourd’hui que ce méthane abiotique représente bien moins de 1 % du gaz présent dans la plupart des réservoirs d’hydrocarbures. Son évaluation reste à faire, d’autant plus qu’il ne peut être mis en évidence que par des analyses isotopiques détaillées du carbone, de l’hydrogène et/ou de l’hélium (ce dernier provenant du manteau). De plus, jusqu’à aujourd’hui, ce gaz n’a été mis en évidence que sur la partie continentale du Globe (onshore), rien ou très peu est connu au niveau de la partie offshore immergée, par exemple au niveau des dorsales médio-océaniques où l’altération des péridotites est un processus dominant.

Sept sites hydrothermaux actifs producteurs de méthane, d’hydrogène et d’azote abiotiques suite aux processus de serpentinisation sont connus le long de la dorsale médio-atlantique et chaque site fonctionnerait plusieurs dizaines de milliers d’années (au moins 30 000 ans) avant de s’éteindre. La théorie du gaz (et du pétrole) abiotique formé à grande profondeur (à partir de dépôts de carbone, datant peut-être de la formation de la Terre) a été développée en Union Soviétique (et Ukraine) après la Seconde Guerre mondiale et a jeté le trouble dans la communauté scientifique pendant fort longtemps. À ce moment-là, les grands champs pétroliers du Moyen- Orient venaient d’être découverts et la formation du pétrole était encore sujette à discussion. Les mécanismes proposés par les soviétiques se sont révélés erronés et la théorie a été abandonnée après quelques décennies (1950-1980) lorsque l’origine organique du pétrole (cf. SPS, n°312 [5]) a été définitivement démontrée. Néanmoins la « théorie soviétique » continue à intriguer les non spécialistes et constitue d’ailleurs l’objet de l’intrigue majeure d’une BD récemment parue aux éditions du Lombard [6].

Notons enfin que depuis 1913, la chimie est à même de produire du méthane en laboratoire à partir de dioxyde de carbone et d’hydrogène ce qui a valu à Paul Sabatier le prix Nobel. Depuis lors, la « réaction Sabatier » fut menée suivant plusieurs voies, par exemple en remplaçant le dioxyde de carbone par le monoxyde de carbone (réaction Fischer-Tropsch ayant permis à l’Allemagne nazie et à l’Afrique du Sud – au temps de l’apartheid – de produire du méthane à partir de charbon). Les réactions chimiques ont cependant lieu à des températures nettement plus élevées que celle de production du gaz non biogénique naturel.

En conclusion, en l’état actuel des connaissances, le méthane abio- tique bien que non quantifié n’a pas le potentiel d’une source d’hydrocarbures rentable. En effet, il semble- rait qu’il soit associé en très faible quantité aux hydrocarbures habituels (pétrole et gaz biotiques) et est donc exploité avec ces derniers.

Alain Préat

Géologue, professeur à l’ULB (Université Libre de Bruxelles), département des Sciences de la Terre et de l’Environnement.

1 Il s’agit des Archées (encore appelées Archéobactéries) c’est-à-dire de microorganismes unicellulaires proca- ryotes (pas de noyau, pas d’organites) adaptés à la vie dans les milieux extrêmes, souvent en l’absence d’oxygène (sources hydrothermales du fond des océans, lacs salés, marais, sols… y compris dans le corps humain – par exemple le colon).

2 Enveloppe du Globe limitée par la base de la croûte aux environs de 10 à 30 km de profondeur et le manteau infé- rieur à environ 700 km de profondeur. Elle est composée de péridotites, roches riches en magnésium et assez pauvres en aluminium. Les roches basiques et ultrabasiques sont des roches magma- tiques très pauvres en silice, elles contiennent plus de 90% de minéraux riches en fer et magnésium (olivine, pyroxène…). Le métamorphisme est la transformation d’une roche à l’état solide suite à une élévation de la température et/ou de la pression.

3 À terre, sur le continent, par opposition à offshore, en mer.

4 Chevauchement d’une vaste portion de croûte océanique (représentée par des complexes ophiolitiques) sur une zone de croûte continentale. Les ophiolites représentent ici des péridotites foliées ayant subi des déformations tec-toniques.

5 Gisements supergéants disparus : le pétrole du Précambrien. www.pseudo- sciences.org/spip.php?article2419

6 Quand la fiction s’inspire de la réalité : du pétrole plein les cases www.ulb.ac.be/sciences/dste/sediment/pa ges_perso/Preat_fichiers/BD_Petrole.pdf

Les ressources naturelles sont-elles inépuisables?

Les ressources naturelles [1] peuvent-elles satisfaire sans fins nos exigences de bien être ?  À long terme surement pas, les gisements (métaux -uranium, thorium, or … et pierres précieuses –diamants, saphirs, topazes…), les hydrocarbures (gazeux, liquides, solides) et les géomatériaux (roches, sables, granulats…) ne sont pas renouvelables. L’économie internationale étant contrainte en premier lieu par la géologie, il en résulte une distribution inégale des richesses de la Terre et une lutte pour se les approprier, nécessitant un développement technologique pour accroître les volumes récupérables. Certains vont même jusqu’à parier que les futures ressources seront à prendre sur d’autres planètes, sur des astéroïdes ; des équipes y travaillent déjà. En attendant, tentons un bilan de la situation actuelle : reste-t-il assez de ressources sur notre planète? Pour combien de temps ?  Estimer leur volume ultime[2] est assez facile grâce à l’exploration de plus en plus efficace, mais prédire leur durée d’exploitation est une autre paire de manches car elle dépend de facteurs économiques et politiques aléatoires aussi bien dans les court et moyen termes. Les réserves ne peuvent qu’évoluer au cours du temps en fonction des moyens et les déclarer est un acte politique et économique de grande importance.

Déterminer l’âge de la Terre : une bien longue quête

par Alain Préat


On pourrait croire qu’avec l’avènement de la physique nucléaire lié à la découverte de la radioactivité en 1896, l’âge absolu de la Terre aurait été facile à déterminer. Il n’en fut rien. Avant cela, le débat, voire les querelles sur l’âge de la Terre, étaient nombreuses. D’après James Ussher (1581-1656), archevêque anglican d’Armagh et primat d’Irlande, qui se basait sur la chronologie biblique, la Création aurait eu lieu dans la nuit précédant le dimanche 23 octobre 4004 avant Jésus Christ (calendrier julien). Selon lui, la Terre serait donc récente ; ces déclarations furent prises pour argent comptant pendant près de trois siècles. Avant Ussher, cet âge était encore plus énigmatique : soit la Terre avait toujours existé (Aristote), soit elle avait « simplement » été créée avec l’Univers sans date précise (religions monothéistes). L’âge biblique intrigua bien entendu de nombreux savants depuis la Renaissance (Kepler, Newton, Descartes, Kelvin, Halley …) qui utilisèrent des méthodes de calcul variées (érosion des reliefs, salinité des océans, refroidissement du Globe, distance Terre-Lune…) pour aboutir à des âges de quelques milliers d’années à quelques dizaines de millions d’années. Pour ces premiers scientifiques (ils étaient très nombreux), les temps géologiques étaient bien plus longs que les temps historiques. En 1721, Henri Gautier, inspecteur des ponts et chaussées en Languedoc, publia le chiffre de 35 000 ans à partir d’études sur l’ablation des reliefs. En réalité, ses calculs le menèrent à quelques millions d’années, mais il publia volontairement un âge faux pour éviter des problèmes avec l’Église En 1859, Charles Darwin avança le chiffre de 300 millions d’années [1] ce qui laissait suffisamment de temps aux espèces vivantes pour évoluer. Face aux critiques, il se ravisa et proposa environ 40 millions d’années (suite lien web).

L’Histoire Naturelle est chaotique, la biodiversité aussi …

par Alain Préat

S‘il l’on procédait à ‘une remise à zéro totale’ des processus ayant affecté l’évolution de notre planète, il est fort à parier qu’aujourd’hui, c’est-à-dire 4,567 milliards d’années après la formation de la Terre, la Vie serait bien différente avec une chimie (ADN ou autre combinaison chimique) et biologie (autres plans d’anatomie, autres crises, autre biodiversité) que l’on a difficile à imaginer. La Vie aurait influencé différemment la composition de notre atmosphère (c’est par exemple elle qui est à l’origine de notre oxygène) en même temps que l’atmosphère régule la Vie. Pourrait-on le prévoir? 

L’oxygène : un poison pendant plusieurs milliards d’années….

par Alain Préat


Nous ne nous en rendons pas compte, mais chacune de nos inspirations nous apporte 21% d’oxygène, et cette concentration élevée n’est présente que sur notre planète (en l’état actuel des connaissances), et depuis peu de temps ! L’oxygène atmosphérique était en effet en quantité infinitésimale (entre un dix millième et un millième de pourcent de sa concentration actuelle) depuis la formation de la Terre il y a 4,56 Ga [1] jusqu’au Grand Evénement d’Oxygénation (GEO, encore appelé ‘la grande oxydation’ ou la ‘catastrophe de l’oxygène’) qui affecta la Terre entre 2,5 et 2,3 Ga. Durant cet événement, la concentration atmosphérique en oxygène n’était que de 1 à 10 % de sa valeur actuelle. C’était encore très peu, et il fallut attendre le début du Cambrien, il y a 541 Ma, pour atteindre la teneur actuelle. Cette dernière fluctua et devînt même plus élevée jusqu’à 27 % au cours de l’Eocène (il y a environ 50 Ma) et jusqu’à 35 % pendant quelques dizaines de millions d’années au cours du Carbonifère et du Permien (il y a environ 300 Ma) avec le développement d’insectes géants, telles des libellules [2] de 75 cm d’envergure …

La concentration atmosphérique de l’oxygène fut donc faible ou très faible pendant le Précambrien, soit pendant près de 90 % de l’histoire de la Terre. Quels sont les mécanismes qui régissent cet oxygène nécessaire aujourd’hui à presque tout ce qui vit ? Quelles sont les conséquences géologiques et biologiques de ces faibles concentrations et des variations de l’oxygène au cours des temps géologiques ?

L’eau, sans laquelle la vie est impossible, fut très rapidement présente sur notre planète, 160 Ma seulement après sa formation, l’atmosphère resta fort longtemps (2 à 3 milliards d’années) riche en gaz à effet de serre, avec 10 à 1000 fois plus de dioxyde de carbone, de méthane, d’éthane, d’hydrogène, d’oxyde nitreux, de dioxyde de soufre, de sulfure d’hydrogène qu’actuellement …. l’ensemble de ces molécules étant lié pour l’essentiel au dégazage du manteau terrestre (volcanisme et métamorphisme). Les océans précambriens, également riches en ces gaz ne contenaient pas ou très peu d’oxygène pendant cette longue période. Malgré ces conditions qui nous semblent sévères pour une activité biologique, cette dernière était florissante et liée aux bactéries méthanogènes, sulfato-réductrices, … constituant des écosystèmes notamment basés sur le cycle du soufre, tels ceux rencontrés aujourd’hui dans les ’fumeurs noirs’ [3] au niveau des sources hydrothermales profondes en l’absence ou quasi-absence de lumière et d’oxygène. Des bactéries pouvaient en effet se développer dans de telles conditions puisque deux des principales conditions étaient réunies très tôt sur la Terre, à savoir présence d’eau et de roches, l’altération de ces dernières enrichissant les océans en différents éléments chimiques. Ainsi les premières bactéries à se développer sont-elles chimiosynthétiques ou chimiotrophes [4] utilisant des matières minérales (dont le dioxyde de carbone) sans aide de la lumière dans des liquides et des gaz sans oxygène. Ensuite des bactéries (= phototrophes anoxygéniques [5] utilisèrent la lumière et oxydèrent les ions sulfures en ions sulfates, qui furent repris par les bactéries sulfato-réductrices ce qui permit l’oxydation ou la dégradation de la matière organique produite par les phototrophes anoxygéniques, avec l’aide éventuelle de la fermentation bactérienne et des bactéries méthanogènes. Sans oxygène dans l’atmosphère, ni dans les océans, le fer en provenance du manteau (volcanisme) était dissout dans l’eau marine et se présentait sous sa forme réduite c.à.d. sous forme de fer ferreux [6]. A environ 2,5 Ga (période du GEO) tout ce fer fut massivement oxydé formant les fameux ‘BIF’ (Banded Iron Formation [7]) actuellement exploités à l’échelle mondiale, notamment par Arcelor Mittal. Que s’est-il donc passé il y 2,5 Ga ? car cette oxydation nécessitait la présence d’oxygène…

Ce changement majeur, cette révolution même, fut liée à l’apparition des cyanobactéries, qui munies de chlorophylle produisirent l’oxygène enrichissant progressivement les océans, puis l’atmosphère en ce gaz. Une autre source d’oxygène, sporadiquement plus importante, était liée à l’activité des bactéries sulfato-réductrices anaérobiques qui abondent aujourd’hui dans la Mer Noire, dans de nombreux fjords norvégiens…. également dans nos intestins… Elles produisirent dans les sédiments précambriens des sulfures qui réagirent avec le fer ferreux (Fe2+) pour former la pyrite (FeS2), cette réaction libéra également de l’oxygène et de l’eau [8]. L’accumulation d’oxygène, surtout par les cyanobactéries, il y a 2,5 Ga ne fut cependant pas soudaine, les premières cyanobactéries apparaissant bien avant 2,5 Ga sans que l’on puisse aujourd’hui préciser quand. Elles produisirent de l’oxygène qui fut rapidement neutralisé par des gaz réducteurs (principalement l’hydrogène) issus d’une tectonique des plaques très intense recyclant la partie supérieure du manteau jusqu’à 2,5 Ga. Avec le ralentissement progressif (sur quelques centaines de millions d’années) de cette tectonique, les gaz réducteurs n’étaient plus en mesure de neutraliser l’oxygène qui s’accumula et la plupart des bactéries anaérobiques furent décimées ou se refugièrent dans des microenvironnements qui les protégeaient de ce nouveau produit toxique…

Une autre conséquence de cette apparition de l’oxygène est par exemple la disparition de l’uraninite (UO2), minéral qui ne peut se former en présence d’oxygène (car l’uranium forme alors un ion uranyle UO22+ soluble dans l’eau). L’or des gisements d’Afrique du Sud a été arraché à des filons de quartz, ensuite transporté et déposé dans des méandres de rivières fonctionnant de 3,1 à 2,8 Ga (Archéen), cet or est associé à de petits galets ou grains de sables roulés d’uraninite également transportés et nécessairement formés en milieu réduit (sans oxygène). Ces grains sont également connus jusqu’à environ 2,5 Ga en Australie, au Canada, en Inde, après cette date l’uraninite détritique ne s’est plus formée, l’ion uranyl captant l’uranium en conditions oxydantes.

Ainsi le couplage tectonique des plaques et activité microbienne est à même d’expliquer les variations d’oxygène de notre atmosphère depuis plusieurs milliards d’années. Que ce système fonctionne depuis si longtemps est un véritable ‘challenge’ au vu de la production de l’oxygène à court terme : si les 3,7 x 1019 moles d’oxygène de notre atmosphère actuelle étaient liquéfiées, elles formeraient un liquide de 6 cm d’épaisseur recouvrant l’entièreté de la planète. Les images satellitaires et mesures de la bioproductivité végétale (phytoplanctonique, algaire, bactérienne… et celle des végétaux supérieurs) montrent que la production primaire nette de carbone est de 8,8 x 1015 moles par année. Si l’on compare cette valeur à la la quantité actuelle d’oxygène dans l’atmosphère le calcul montre que l’oxygène est produit en 4200 années [9] et qu’en regard des temps géologiques, cette concentration est certainement instable. A chacune de ses inspirations l’Homo sapiens d’il y a plus de 100 000 ans ne respirait sans doute pas exactement 21% d’oxygène…

1 La formation de la Terre date de 4,568 Ga ± 0,003 Ga (Ga = milliard d’années), les premiers organismes « développés » (métazoaires) apparaissent au Cambrien il y a 0,541 Ga ± 1 Ma (Ma = million d’années), les premières bactéries à l’Archéen il y a 3,8 Ga. Le Précambrien est divisé en Hadéen, Archéen et Protérozoïque (divisé en Paléo-, Méso- et Néoproterozoïque).

2 Il s’agit de l’espèce Meganeura monyi, appartenant à une lignée éteinte (famille Meganeuridae), apparentée aux libellules et demoiselles actuelles (ordre Odonata). Cette espèce fut découverte à la fin du XIXe siècle à Commentry, dans l’Allier en France. Cette hypothèse de gigantisme lié à un taux d’oxygène exceptionellement élevé est sujette à controverse…

3 Les fumeurs noirs ou cheminées, et sources hydrothermales sont des évents hydrothermaux situés à proximité des dorsales océaniques. Ils sont liés à l’activité des plaques tectoniques et évacuent une partie de la chaleur interne de la Terre. Ils sont le siège d’une vie sous-marine luxuriante.

4 La chimiotrophie est un des types trophiques caractérisant le mode de nutrition des organismes basé sur une source d’énergie chimique (organique ou inorganique).

5 Il s’agit de bactéries utilisant la lumière comme source d’énergie dans un milieu sans oxygène.

6 En solution aqueuse, l’élément chimique fer est présent sous forme ionique avec deux valences principales,  Fe2+ ou ‘fer ferreux’ et Fe3+ ou ‘fer ferrique’ (ce dernier est par exemple à l’origine de la teinte de nombreux ‘marbres rouges’, http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2481).

7 ou gisements de fer rubané formant des minerais très riches en fer constitués de l’alternance centimétrique de lits ou lamines quartzitiques et de lits ou lamines riches en oxydes ferriques (principalement la magnétite Fe3O4 et l’hématite Fe2O3). Ils représentent 90% du minerai de fer exploité dans le monde (ils sont très abondants entre 2,5 et 2,0 Ga, ils apparaissant vers 3,7 Ga et disparaissent vers 0,7 Ga).

Suivant la réaction 4SO42- + 2Fe2+ 4H+ = 2FeS2 (pyrite) + 2H2O + 7O2 (combinaison de deux réactions). Lorsque la pyrite est rapidement enfouie (cf. conditions géologiques), l’oxygène est libéré.

9 Canfield, 2014 Oxygen, A Four Billion Year History, Princeton University Press, Oxford.